clear as water

clear as water
ft. alix & adan


Un esprit sain dans un corps sain. Pour certains, ça coule de source. Pour d’autres, comme Alix, c’est moins un peu moins évident. Ceux-là, ils peinent souvent à trouver la motivation, pourtant pleins de bonne volonté. Il faut dire qu’Alix n’est pas une grande sportive, mais elle arrive à prendre du plaisir en dépensant des calories. Attention néanmoins à ne pas lui donner rendez-vous n’importe où. Le parc pour y courir cinq kilomètres, sans façon. La piscine pour crawler pendant une heure, oui.

L’insaisissable Adan l’a bien cernée et ce, plutôt rapidement. Un mois qu’elle est à Providence, un mois qu’ils sont tombés l’un sur l’autre un peu par hasard dans l’université, et un mois qu’ils ont appris à s’apprécier, sans le moindre effort. Il y a quelque chose entre eux, une espèce d’alchimie qui a opéré dès le début. Et c’est étrange, quand on sait que l’un et l’autre ne sont pas les plus avenants de cette université. Peut-être est-ce grâce à leur personnalité un brin mystérieuse, un brin sauvage qu’ils ont en commun, ou peut-être y a-t-il une autre raison, qui sait ? Toujours est-il qu’Alix est toujours contente de tomber sur lui. Hasardeusement, ou pas.

Ce soir, le hasard est renvoyé au placard car Alix a rendez-vous avec son nouvel ami à la piscine de l’université. Quelques longueurs les attendent mais pas seulement ; il y a fort à parier que les langues délient rapidement. Une fois vêtue de son maillot de bain une pièce noire, la jeune fille rejoint le bassin avec sa serviette qu’elle pose bien vite sur le côté. Direction le plongeoir, d’où elle saute non pas comme une championne du cinquante mètres, mais plus comme une nageuse moyenne dont la hâte d’être dans l’eau est palpable. Et une fois qu’elle y est, ses bras et ses jambes s’activent en une mécanique fluide. Après tout, elle ne va pas attendre Adan en barbotant ou en regardant les gens autour d’elle. Bien peu pour elle.

Une connaissance retrouvée, une amie à tes côtés. Quelques semaines déjà qu’elle était là. Quelques semaines déjà que les messages et les rendez-vous se multiplient. Une relation que l’on pouvait qualifier de coup de foudre amical. L’envie d’être avec la personne un maximum de temps, de partager ses passions et peurs avec elle. Elle était un peu la nouveauté que tu avais besoin ce dernier mois. Entre les états d’âme et les frustrations et elle était le soleil dont tu avais besoin. La décision de quitter Nyla ou non. La décision de rejoindre le groupe ou non. Choisir. La sélection était bien trop rude et tu avais besoin de te changer les idées avec ce que tu savais faire de mieux. Plonger ton corps dans l’eau bénie du bassin sportif. Elle avait accepté. Comme elle aurait pu accepter un café. Comme tu aurais pu accepter l’accompagner au cinéma. Elle allait savoir te faire changer les esprits. C’était ce genre de fille qui, d’un claquement de discussion, pouvait te faire oublier les idées sombres qui glissaient entre les entrailles d’un cerveau confus. La soirée qui s’annonçait de plus en plus chaude, lourde. Dans le bassin, tout était différent. Il n’y avait que vous. Et vos corps qui chauffaient du soleil qui se mettait seulement à baisser. Vous n’étiez vêtus que de vos maillots de bain. Des simples morceaux vous couvraient de l’eau, de vos regards. En réalité, l’on pouvait apercevoir quelques autres retardataires, ou solitaires, qui comme vous, voulaient éviter la foule des folles après-midis. Vous vous dirigiez vers le plongeoir où tu ne voyais toujours qu’elle. Son corps qui s’engouffrait dans les profondeurs sans même vérifier la position. Des mouvements succins. Elle ne s’arrêtait plus. Et d’un élan sportif tu t’engloutissais dans l’eau, le crole qui se faisait rapide. Assez pour rejoindre Alix qui se retrouvait déjà à l’autre bout du bassin. Tu remontais depuis le bas de ses jambes pour monter à la surface, rejoindre son visage. Le souffle qui était déjà court, les cils mouillés. « Ça veut déjà me fuir ? » que tu lâchais, un sourire aux lèvres. Tu soufflais et t’en allais sur son côté droit. Le regard en direction de l’autre bout. « Je te rattrape quand je veux » que tu lui répondais déjà. Tu lui laissais quelques minutes pour répondre, le regard rempli de défis. Tu t’en allais, les pieds qui battaient dans l’eau. Pas un seul regard dans sa direction. Tu ressentais déjà les courbes de l’eau bouger.

Elle est comme un poisson dans l’eau. Battant des nageoires et prenant sa respiration de façon régulière, voguant jusqu’au bout du bassin. Lorsqu’elle nage, elle oublie tout le reste. Concentrée sur ses mouvements, sur la sensation de son corps qui glisse dans l’eau, Alix décompresse du quotidien sans même s’en rendre compte. Elle en oublie presque Adan. Pourtant, c’est bien son visage qu’elle reconnaît lorsqu’elle sort la tête de l’eau. Grand gaillard aux traits si fins, à l’allure si juvénile. Un brin sauvage, tout comme elle. Il lui a inspiré la sympathie tout naturellement, ce qui pourrait être un mystère aux yeux des autres. “Sans ta tignasse tu es méconnaissable.” Répond-elle, pour justifier la soit-disant fuite qu’elle prenait. Un sourire fripon se dessine sur ses lèvres, tandis qu’elle replace ses propres cheveux en arrière. Il la contourne et se prépare à reprendre le large, déjà, ce qu’elle observe avec une rivalité naissante. Évidemment, il peut la rattraper. Mais elle se débrouille bien aussi, en crawl. Rien n’est joué à l’avance, surtout pas quand l’esprit compétitif d’Alix se trouve chahuté. Alors elle place sa main derrière elle, sur le muret, tandis que son regard est fixé droit devant elle, vers l’autre bout du bassin. Obstinée à le rattraper, elle plonge alors de nouveau dans l’eau, s’élançant rapidement grâce à l’appui de ses pieds contre le muret.

Et sur les dix derniers mètres, elle s’immerge complètement sous l’eau. De plus en plus proche d’Adan, dont ses mains vont finalement attraper les chevilles pour le freiner dans sa course. Le surprendre, accessoirement. Elle en profite pour le dépasser et aller toucher le muret la première. De ce côté du bassin, ils n’ont plus pied, cela ne les empêche pas de stagner à cet endroit. Un brin racoleuse, elle lui rappelle joyeusement qu’elle a gagné. “Ça fait quoi, d’être un perdant ?” Ils sont tous les deux bons dans leur domaine. Le business. La médecine. Sans pour autant être particulièrement vantards. “Et je t’arrête tout de suite, personne a interdit de tricher pour parvenir à ses fins !” Cette fois-ci, elle rit, le regard accroché à Adan qui se rapproche du muret où elle est toujours accrochée. L’eau, tout à coup, se fait bien plus calme. C’est sans doute parce qu’ils se sont arrêtés et parce que les autres nageurs, chacun leur tour, sortent du bassin pour retourner à leur vie extérieure.