Bombs are comin' in cereal packages {Oxélia}

Dans ta salle de français, y’avait une jolie vue sur le campus. On pouvait voir les meufs parader dans les allées, avec leurs culs moulés dans des jupes trop serrées. On pouvait voir les glandeurs sécher le cours de bio pour fumer des joints les jours de beau temps. On pouvait voir les mecs fourrer leurs langues au fond de la gorge de leurs nanas sans aucune gêne. Mais surtout, on pouvait voir les nuages. Et toi, ça t’faisait kiffer. “Monsieur Park, vous ferez l’exposé sur la cuisine française avec Miss Osborn. Bon Appétit !”. Encore une fois, t’avais raté un épisode. C’était qui, déjà ? La blonde, Ox, la blonde. Ouais. Mais laquelle ? Elles étaient toutes blondes sur ce campus. Puis, Osborn, ça t’disait un truc. Genre, c’était pas le nom des trois quart de cette école ? T’étais pas vraiment avancé. Puis même quand Monsieur Dunham t’a montré la meuf du doigt, t’as pas vraiment tilté. T’avais juste répondu “Ouais, ok.” et t’étais partie te recoucher tranquillement entre les manches de ton pull. Y’avait eut un moment où une meuf était venue pour un rendez vous à la bibli. Ouais, l’exposé, t’as déjà oublié ? Non, non. T’es pas aussi con. Si ? Bref, maintenant, t’étais posé sur une chaise de la bibli’, t’attendais une meuf dont tu te souvenais même plus du prénom. T’avais le visage en tête, tu savais que c’était une Osborn mais c’était laquelle déjà ? Putain. En plus, il fait tellement beau dehors, c’est le temps parfait pour dormir sur la pelouse. Ou fumer un joint. Ou bouffer d’la pizza. Les gens veulent pas bosser. Toi non plus. Puis t’as pas envie de parler de camembert. Ca pue cette merde. Limite, tu préfères le bol de riz du p’tit dej. Ouais, mais le riz, ça t’donne mal au bide. Puis franchement, c’est pas méga cliché, un bridé qui bouffe du riz l’matin ? Si un peu. Pourquoi tu bouffes pas de la pizza le matin ? Ouais, non, tu préfères les chocapic. Remarque, les mielpops c’est bon aussi. “Oxlene ?”. Par contre, les cocopops, c’est d’la merde. Du riz qui s’la pète, sérieux. “Euh … Oxlene ?”. Pourquoi le tigre des frosties a une voix de meuf ? Ox, bébé, on te parle. Tu lèves les yeux pour tomber sur une chevelure blonde. “Salut, Billy.” Ox, bébé, t’es sûre de toi pour le prénom ? Oh, puis merde, t’as la dalle, maintenant.

Askip, les meufs kiffaient Paris. Askip, Paris, c’était la ville des amoureux. Askip, Paris, c’était le romantisme à l’état pure. Pour toi, la France, c’était comme ce film avec Robert De Niro. Des clichés mais pas trop, des campagnards un peu hypocrites, des beaufs qui dragouillaient comme des ado’, des croissants au beurre. N’empêche que cette scène où la supérette explose était vachement cool. Puis faut dire que les scènes de combat étaient aussi vachement bien foutues. Deux secondes, Ox, on te parle. “ T'as pas fait les recherches que je t'avais demandé sur la pâtisserie?” . Tu la regardes. Merde. T’avais pas fait un truc comme ça, y’a pas longtemps ? Tu sais plus. T’as des images de Sun qui te dit “Ox, je t’ai ramené un Paris-Brest, oublies pas ton exposé !”. Tu prends ton sac et t’en ressort une boite en plastique transparente avec le petit chou un peu fondu et le post-it “Oublies pas tes recherches ! -Sun”. Ah. C’était peut être ça, qu’t’avais oublié, en fait. C’est dommage, il avait l’air bon, ce gâteau. Bah, il était un peu fondu mais il restait mangeable, non ? Puis bon, c’est qu’un peu de crème fondue. T’aimais bien cette pâtisserie, d’ailleurs. Les milles feuilles étaient bons et les proprio étaient français, ils importaient directement leurs aliments de Paris. C’était plutôt cool. Merde, tu viens de te souvenir que t’avais faim. Et alors que t’allais attaquer le Paris-Brest, tu te souviens d’un truc. T’as répondu à sa question à Billy ou pas ? “Hum. Je crois que non.” Ouais parce qu’en plus, t'étais pas sûre. Tu fouilles un peu dans ton sac et trouves une chemise avec un nouveau post-it “Je savais que t’allais oublier, Abruti -Sun”. Ah. Ouais, ok. Parfois, tu te demandais comment elle faisait pour lire dans tes pensées, cette gamine. Mais bon. Tu poses le dossier sur la table en haussant les épaules. “En fait, si. T’as faim ou j’peux manger le Paris-Brest ?” Silence. Tu la fixes, l’air désinvolte. “Il va fondre sinon.”. S’il y a bien un sujet sur lequel t’avais un minimum d’attention, c’était la bouffe. Et ta soeur. Et là, c’était de la bouffe ramenée par ta soeur. Bref. Dans les films, pour éviter les situations gênantes, t’en avais toujours un qui fuyait pour aller chercher un bouquin le temps que l’autre se calme. Tu fais grincer ta chaise en te levant, les épaules tombantes. “Je vais chercher un dictionnaire pour l’exposé.”. Elle avait qu’à garder le Paris-Brest. Mais en même temps, si elle pouvait te le laisser, ça serait cool. Tu t’échappes donc et ne reviens qu’une dizaine de minutes plus tard avec un robert bilingue. En se rasseyant, tu sors ta trousse et ton bouquin tout corné de “Peau de Chagrin” de Balzac. La seule raison pour laquelle t'avais pris ce cours. C’était comme un joint à 4h du matin. Et en parlant de ça, vu la gueule que tire la blonde, tu savais pas si c’était elle ou toi qui en aurait le plus besoin.  

A voir son visage, elle pourrait carrément t’atomiser sur place. Parfois, les meufs te faisaient flipper. Surtout les plus jolies. Après toi, t’étais un mec un peu lent, tu comprenais pas forcément qu’on puisse faire tout et n’importe quoi pour une nana pas trop laide. Quand t’étais au lycée, si tu fais l’effort de te souvenir, tu réaliseras que t’es déjà sortie avec une meuf comme Ophélia. Le genre de meuf que tout le monde veut pécho. Mais t’es pas délicat et surtout, ton attention est inexistante alors ça a pas durer. C’est peut être pour ça que les meufs te supportent pas. Parce que tu t’en fous. Alors tu la regardes, pousser des soupires agacés, froncer les sourcils, te parler comme si t’étais le dernier des bouffons et tu la ressens. Tu la ressens comme par extension, cette frustration qu’elle a, Ophélia. Cool, elle te laisse le Paris-Brest. Du coup, tu te gênes pas et tu dévores la pâtisserie avant de t’essuyer les mains dans un mouchoir en papier parce que, mine de rien, t’es pas un gros porc. Et en fouillant dans ton sac magique, tu voies un petit bouquin sur la pâtisserie avec un énième post-it “Juste au cas où -Sun”. A force, t’étais même plus surpris. T’avais pas l’habitude des travaux de groupe, elle le savait bien, Sun. T’étais pas du genre à pas faire ce qu’on te demandait, juste à oublier. D’habitude, les gens se mettaient en groupe avec toi parce que t’avais de bonnes notes aux contrôles. Mais une fois que vient le moment de bosser, ils sont tous sur le cul. “Bon j’espère que t’as fait le boulot ? Comment ça non ? Mais le cours est dans 10 min, mec ! Comment ça “Ah” ???”. Au final, ils se faisaient soit sanctionnés par les profs exigeants, soit simplement grondés par les profs les plus laxistes. Tu savais pas si c’était parce que t’avais l’air d’un gosse, mais les profs te faisaient soit la morale comme si c’était ton père, soit ils passent en mode psy comme si t’en avais quelque chose à foutre. Tu feuillettes le bouquin et finalement, tu jettes un regard sur Ophélia. Ouais, Ox, c’est bien Ophélia, gardes ça en tête. Billy, c’est l’autre blonde qui te dit bonjour quand t’es pas trop défoncé. Tu poses les coudes sur la table, les joues dans tes manches, t’essaies t’articulier ta phrase en français. “Quelle .. est taa .. pâtissewie pwéféwée ?”. Oui, tu venais de demander à la fameuse Ophélia Osborn avec quelle pâtisserie elle aimait se péter le bide. Bah au moins, tu faisais l’effort de faire la conversation ET l’exposé. “Je aime beaucoup le … Pawis Bwest.”. T’avais du mal avec les R, apparemment. Tu pouvais pas t’empêcher de les prononcer à l’américaine. Après, t’avais peut être des bonnes notes à l’écrit, t’étais pas non plus un génie à l’oral. Mais ça va, ça aurait put être pire.

Faut pas te brusquer, tu risques d'avoir peur. T'essaies d'être sympa, de taper un peu la discut' sans forcément t'éloigner du but de ce rendez-vous. Mais cette Olivia -Ophélia, Ox, Ophélia- n'a pas ton temps. Quand tu la regardes, t'as l'impression de voir ton père, et ça te blase. Cette concentration,cette courtoisie forcée avec une pointe d'agacement dans la voix. Cette manière de te reprendre sèchement quand tu fais une erreur. Ouais, c'était carrément ton père. Quand t'y penses, cette Camélia -Putain Ox, c'est Ophélia- ressemble grave aux darons coréens. Peut être qu'elle était asiatique, dans une vie antérieure ? A savoir. Tu feuillettes le dossier qu'a glissé Sun dans ton sac. Des écrits sur l'histoire de la pâtisserie, une partie avec plein d'anecdotes sympas sur tes desserts préférés, deux trois photos. Il y avait même écrit au stylo rose des petites indications, des réponses à d'éventuelles questions qu'on pouvait te poser sur le sujet. Décidément, ta soeur devait être une surfemme, ou une connerie dans le genre pour assurer dans ses études et s'occuper de toi en même temps. La connaissant, ce truc avait dut lui prendre une petite heure de sa vie mais c'était quand même quelque chose. Tu glisses le dossier de ta partie vers Océane -Toujours pas, Oxy, toujours pas...- puis tu t'enfonces de nouveau dans ton siège. " Voilà ma partie. J’avais déjà mon travail dans mon sac.” T’oublies pas un truc, encore ? Tu retournes le post-it que t’avais enlever du dossier. “Papa Style = Excuse”. Ouais, tu te souviens maintenant. C’est vrai que Sun, elle a l’habitude de toi. Mais les autres non. Quand tu fais ton Ox, les gens comprennent pas. Alors faut t’excuser, même si tu comprends pas vraiment pourquoi tu devrais le faire. Après tout, c’est pas vraiment ta faute, si t’es comme ça. “Désolé.” De quoi ? Dans les films, ils sortaient des trucs du style “Désolé de t’avoir blessé”, “Désolé d’être comme ça”, “Désolé d’exister” ou ce genre de conneries. Mais pour le coup, ça t’inspirait pas des masses. Alors tu reprends ton Balzac et tu plonges dedans. Au moins, les bouquins, ça t’faisait pas chier. Mais t’entends la voix de Sun dans ta tête. Pas maintenant, stp. Ox, tu sais très bien que si elle était là, elle te foutrait deux ou trois baffes pour ton comportement. Encore un petit effort. Aller. “Je … J’aime liwe Balzac. Et … euh … J’oublie beaucoup de choses. Pawdon.”. C’est vrai qu’il fallait le préciser. D’ailleurs, peut être qu’un jour, faudrait que t’ailles voir un médecin pour ça. Non parce que te faire des ennemis que t’oublieras de toutes façons, c’est pas ouf comme plan.

Parfois, tu te rends pas compte de ce que tu dis. Mais la blonde, elle a l'air agacé. Heureusement que Sun avait toujours raison. Si elle te disait pas quoi faire à quel moment, tu t’serais probablement fait buter y’a longtemps par les mecs de ton lycée. Toi, tu t’en foutais un peu d’expliquer tes problèmes. Après tout, c’était juste des hypothèses de tes grands parents. Mais ton père avait dit que t’étais comme les autres gosses. Et ton père, on peut pas le contredire. Billy a pas l’air comme tout à l’heure. Elle est passé de Papa à Maman. Et ta mère, c’est la douceur. Elle s’inquiète, elle s’inquiète tellement que ses cheveux deviennent gris. Tu reposes tes yeux sur le visage de la blonde. C’est ça, les meufs bonnes ? Ouais, p’t’être. “Balzac, c’est cool.”. Ta phrase t’arrache un fin sourire. Mais Ox, fais attention, t’as l’air heureux. Ouais, bah pas pour très longtemps parce qu’elle te parle et t’entends rien. Trop occupé à penser à Raphaëlle et sa peau de chagrin. Tu ferais surement les mêmes conneries que lui. Ou alors, t’oublierais que c’est une couverture magique et tu vivrais ta vie comme d’habitude. Si t’étais un personnage de Balzac, tu serais sûrement le meilleur pote du héros dont personne ne se souvient. Même toi tu te souviendrais pas d’un personnage comme toi. Parfois, tu t’aimes pas trop. Parce que même si t’oublies plein de trucs, t’es pas non plus si con que ça. Tu sais que t’as plein de défauts. Mais t’arrives pas à faire autrement. T’arrives pas à changer. Et parfois, ça te met même en colère. Puis t’oublies. Elle te fixe. Tu lis sur ses lèvres. Elle veut des explications. Tu lui montres le post-it de ta soeur. “Ouais. J’avais commencé. Ma soeur a fini.”. Tu hausses un sourcil. Elle avait pas comprit ? Ouais, même toi, tu comprends pas. Amnésique ? Elle se goure de maladie, pour le coup. Mais ouais. Ca aurait été cool, d’être amnésique. T’aurais pu devenir quelqu’un d’autre. Pas le bouffon que t’es. Mais une version améliorée de toi, à savoir. Tu hausses les épaules. “C’est compliqué.”. T’as pas la foi de partir dans les détails, avec des histoires de familles à la con qui te dépassent -Ca te concerne quand même, hein- puis t’façon, tu t’en fous. “Du coup, ma soeur dit que je dois m’excuser quand j’oublie des trucs. Donc, désolé.”. T’aimais pas faire ça. Tu te faisais pitié quand tu faisais ça. Mais si c’était ce que Sun voulait, tu fermais ta gueule, tu rangeais ton ego, et tu le faisais quand même.

Lire, c’est le seul moyen pour toi de pas oublier. Ca rentre plus facilement dans ta tête, t’apprends, tu comprends, tu retiens juste avec la lecture. Si t’as de bonnes notes alors que tu dors en cours, c’est juste parce que tu lis beaucoup. Tout ce que tu trouves, tout ce qu’on te donne, tu le dévores et ça reste. C’est le seul moment où t’as l’impression de fonctionner normalement. Puis tu pars dans des univers qui te dépassent, tu vis dans la peau des personnages, tu remplis ta tête d’informations et t’as l’impression d’exister. Pas juste comme le gars qui oublie tout, qui s’en fout mais comme Oxlene. Balzac et ses descriptions folles, Balzac et ses personnages qu’on aime et qu’on déteste. Ton premier crush était pour La Fille aux Yeux d’or et parfois, tu joues les romantiques en te disant qu’une meuf comme ça t’arrachera de ton quotidien éphémère. T’as pas le souvenir d’être tomber amoureux et parfois, tu te demandes si un jour, tu sortiras de cette bulle. Tu t’y sens bien, dans cet abris, dans ton univers à toi. Mais tu sais très bien que parfois, les gens souffrent de ton manque d’investissement. Le pire, c’est que t’arrives pas à t’en soucier. Parfois, t’as pas besoin de ça, tu laisses ton corps faire, tu t’laisses aller dans tes désirs d’homme et tu finis par savourer le plaisir de la chair, juste avant de retomber dans le monde de l’oubli et des rêves. T’as beau être encore un gosse dans ta tête, t’es un mec avant tout. C’est l’évocation de ta soeur qui t’arraches à ta rêverie. Dès qu’on parle de Sun, ton cerveau se reconnecte et d’un coup, tu t’sens concerné. Tu souris, presque timidement. “Parfois, j’ai l’impression d’être le petit frère.”. Tu dis ça, un peu ailleurs, plus pour toi que pour répondre aux paroles d’Ophélia. Après tout, tu le répéterais pas assez, Sun, c’est le centre de ta vie. Tu saurais pas exister sans elle. T’en oublierais ta tête qu’elle te la rapporterait sur un plateau d’argent. Tu sais que tu peux compter sur elle autant qu’elle peut compter sur toi. Puis, ses coeurs sur les “i”, tu sais qu’elle fait pas ça sérieusement, ça te fait rire, t’as l’impression d’être dans un film des années 2000, 2010 et c’est drôle. Le “Mais” d’Ophélia te crispe. Depuis le début du rendez-vous, tu la regardes pas vraiment, tu t’laisses distraire. Mais là, tu la regardes, droit dans les yeux. Et même si ton visage reste le même, ton regard montre que t’es pas ultra content de son “Mais”. Tu réponds, normalement. “Je suis pas con au point de pas savoir quand m’excuser. J’vois bien que je te frustre. Alors je m’excuse. Sun veut juste que je ne laisse pas les quiproquos en suspens. Parfois, reconnaître ses erreurs, ça fait pas d’mal.” Oula Ox, reprends bien ton souffle, t’as trop parlé, gamin. T’es pas agacé ou quoi mais c’est vrai que quand ça touche à Sun, tu pars presque au quart de tour, sans vraiment réfléchir à ce qu’on vient de te dire. Comme quoi, toi aussi, tu pouvais avoir ce petit côté impulsif.  

Tu te souviens bien ce que t’as ressenti quand t’as choisi d’étudier l’anthropologie. En même temps, tu trouvais cette satisfaction à observer le comportement humain, à le comprendre, à l’analyser. Mais d’un autre côté, tu étais toi-même un spécimen assez étrange d’être humain. Ton père voulait que te voir dans une filière plus scientifique, comme la médecine ou la biologie. A la place, t’avais choisi un cursus de “branleur” comme disait ton père. Mais t’avais appris des trucs. Pas en assistant au cours, évidemment, ton attention tient pas trente seconde sur un prof en costume paradant sur une estrade. Mais les livres qu’on te donnait à lire étaient, à ton plus grand étonnement, tellement intéressant. Puis, les cours de sociologie étaient probablement tes préférés -ceux où tu dormais le mieu soit dit en passant- et ceux qui te servaient le plus dans ta vie quotidienne. Et là, tu voyais clairement que la blonde voulait mettre un terme à cette conversation. Tu avais dit quelque chose de mal ? Ophélia avait l’air d’être le genre de nana à ne rien devoir à personne. Elle devait pas comprendre que s’excuser, c’était pas forcément une atteinte à ta fierté. T’façon, Ox, t’es vraiment pas le genre de gars à te prendre la tête avec ça. T’avais assez d’estime pour ne pas te sentir déstabilisé par ce genre de situation. Selon toi, les personnes avec le moins de confiance en elle se cachait derrière un caractère dominant à première vue. Ceux qui savaient vraiment qui ils étaient n’avait simplement pas besoin de le prouver à la terre entière, ils n’avaient rien à prouver. Le fait est que la plupart des personnes que tu as rencontré à Brown se cachent derrière leurs grands airs. Ce n’était peut être par le cas d’Ophélia, mais peut être que si. Tu préférais ne pas te prononcer. Après tout, tu ne la connaissais pas et il y avait toujours des exceptions. Tu hausses simplement les épaules quand elle clôt en catastrophe la conversation. “Si tu le dis” que tu lâches, désinvolte. Après tout, avec le temps, t’as appris qu’il ne valait mieux pas contredire une femme, encore plus lorsque cette dernière était jolie comme Ophélia. Les belles meufs, ça cachait bien leurs jeux. Tu savais jamais à quoi t’attendre avec elle. Elles pouvaient tellement cringe que tu préférais juste retourner dans ton monde plutôt que de te prendre la tête. Ta soeur était un peu comme ça, à sa façon. Fallait dire que tu pouvais pas vraiment la contredire, elle avait souvent raison. Eh mais, Ox. Tu serais pas, genre, un gros soumis ? Ouais, c’est clair. Mais bon, t’as appris à vivre avec. Tu retournes donc à ton bouquin. T'façon, elle a dit qu'elle partirait dès qu'elle aurait plus besoin de toi. Alors autant rester jusqu'à ce qu'elle te jette. Ouais, un peu comme avec tes exs, tout à fait.

Parfois, tu t’poses la question. Comment t’as fais pour être comme ça ? Pourquoi tu t’en fous, Ox ? Pourquoi tu te fous de tout ? Tu sais pas. T’as pas envie de savoir. T’es bien, dans ton monde. T’es bien, à rêver dans ton coin, à faire ton Alexander Supertramp dans ta tête, à chercher un sens dans tout et n’importe quoi et finir par t’en foutre parce que putain qu’est-ce qu’il fait beau aujourd’hui. Tu te prenais pas la tête, tu te prenais plus la tête avec les gens parce que quelque part, t’avais peur de te prendre la tête pour rien. Cette fille, si ça s’trouve, elle t’adressera même plus la parole une fois le boulot terminé. T’es presque sûre qu’elle passera son chemin quand elle te croisera dans les couloirs. La seule raison pour laquelle tu te souviens d’elle, c’est parce que c’est une Osborn. Et encore, pour toi, y’a que Billy qui se démarque de cette famille, vu qu’c’est la seule qui prends le temps de t’apprivoiser. Ophélia, elle a pas cette patience. Tu le voies dans son regard. Ton attention, elle se mérite, elle se gagne. C’est pas un truc que tu donnes à la première meuf bonne que tu croises. On te saisit pas comme ça, on t’ouvre pas comme une simple canette de Pepsi bon marché. Tes pensées, elles sont trop dispersées pour perdre leur temps avec elle. Beaucoup trouve que t’as pas de personnalités, pas d’émotions. C’est pas ça. Tu ressens juste pas le besoin de te dévoiler au premier passant qui croise ton chemin. Elle est saoulée, tu le voies bien. Finalement, elle est peut être comme toutes ces princesses que tu croises tous les jours. Frustrées par ton manque d’attention. Alors tu la regardes. Tu la regardes avec ce regard curieux, ce regard innocent qui dissimule tout le bordel que t’as dans le crâne. Parce que ouais, t’avais tellement de choses en tête que t’arrivais plus à te concentrer sur les gens. Y’a que quand ton coeur bat trop fort que ton cerveau se met sur pause. Puis ton corps agit tout seul et tu comprends pas mais ça a du sens. Tu fermes ton livre. Raphaël devra patienter encore un peu avant de mourir. Elle dit que vous êtes pas là pour lire mais pour toi, la vérité se trouvera toujours dans les bouquins. Elle affiche un air sérieux. Elle veut vraiment bosser, on dirait. Toi, tu comprends pas où elle veut en venir. Mais les Osborn, t’avais l’impression qu’ils étaient tous parfaits. Ça devait être de famille, tu savais pas trop, puis tu t’en foutais. Chez les Park, c’était un peu la même idée sauf que toi, t’étais le jouet défectueux. Tu marchais pas comme eux, tu t’laissais vivre et tu faisais pas attentions aux attentes des autres. Tu hausses les épaules. “Qu’est-ce que tu veux dire par interactif ? Genre un buffet avec des cartes explicatives sous chaque plats ?”. Apparemment, le Paris-Brest t’avait pas suffit. T’as la dalle, maintenant. Encore.