walk it talk it (phileas)

Deux heures. Le corps qui suait déjà. Tu étais restée un peu plus longtemps que les autres filles avec la professeure. Cette année tu avais décidé de te mettre au volley. De manière non officiel. La coach voulait cependant voir avec toi des modalités pour t’intégrer l’année prochaine. Tu étais mauvaise en équipe. Si elle admirait tes coups individuels, elle estimait cependant que tu avais besoin d’apprendre à être en cohésion avec d’autres personnes. Tu avais toujours été solitaire, une tête de mule qui ne voulait pas se mélanger. Intégrer une équipe pour toi était le comble. Mais tu en avais besoin. De te défouler, de penser à autre chose. Et il fallait dire, que les autres joueuses n’étaient pas mauvaises, bien au contraire. Tu soufflais, écoutant la coach sans dire un mot. Elle vendait son équipe, c’était clair. Tu lui souriais, ne la contrariant pas. Puis elle quitta le gymnase une fois son discours terminé. Tu saisissais une bouteille au passage. Si elle avait raison ? Si tu ne savais pas communiquer avec les autres ? En avais-tu réellement besoin ? Tu regardais ton comportement avec les Diman. Tu savais que tu allais trop loin. Une gorgée. Tu pensais à la dernière soirée avec elles. Tu finissais toujours par rester dans ton coin. Il était beaucoup plus intéressant pour toi de traîner avec d’autres personnes mobilisées, de parler de soulèvement et de boycott plutôt que de nouer des liens. Une deuxième gorgée. Tu flairais. Le gymnase était immense. Les coups de ballon contre le sol venaient t’apaiser. Un rythme qui ne s’arrêtait pas, comme une mélodie qu’on pouvait écouter juste avant de s’endormir. De dos, tu remarquais un garçon, dribler sans s’arrêter. Un autre solitaire que tu te disais. Une troisième gorgée. Tu t’écartais du stade. T’enfuir dans les vestiaires, sans l’ombre d’un pas. Mais il se retourna. Et son ballon arrêta de faire des vas-et-viens. Le ballon roula jusqu’à tes pieds. S’arrêta à ta hauteur. Tu te baissais, attrapant l’objet. « Tu n’es pas à une soirée ? Il est bientôt l’heure » déjà vingt-et-une heure et il ne restait plus que les sportifs dans le stade. Déjà vingt-et-une heure et vous étiez tous les deux. Tu le regardais dans les yeux, jouant avec son ballon, sans le ramener à lui. Tu gardais la distance. Il avait ses expressions de beau garçon de film. De loin, on aurait pu croire à un remake de Troy Bolton. Mais il n’était qu’un Sears perdu entre les abdos et les bières.

la pluie qui bat les carreaux. le genre de bruit qui dérange grandement, puis qui passe dans le fond sonore. comme les ballons qui frappent le sol, les semelles qui grincent et accrochent le sol, le sifflet des coachs qui à la longue ne démonte plus les tympans comme la première fois. l'anglais est loin d'être en sucre. mais il avait pas envie de se mouiller ce soir. il avait rejoins les basketteurs tard. pour casser les habitudes. remplacer la longueur des foulées par les dribbles incessants. le gymnase s'était vidé, laissant quelques solitaires. philéas laissa ses pensées de côté. on évite de penser à becca. encore moins à éline. pas à l'entrainement de demain. ni à son niveau moins mille en sentiments. sur le terrain il n'y avait pas la place pour les réflexions existentielles. il enterre son cœur pour se concentrer sur ses lancés.
loupé.
loupé.
panier.
panier.
panier.
philéas, il a pas remarqué que tout le monde avait quitté le bateau. presque tout le monde. sauf elle. il l'a vu en se replaçant pour viser. les doigts qui ont dérapé sur le côté et le ballon qui en a profité pour s'échapper à côté. rouler jusqu'à ses pieds, cogner contre le bout de sa semelle. dans un silence digne d'une scène de film d'horreur. la lumière en plus et la peur en moins. personne semblait avoir envie de briser cette distance. pas un pas pour se rapprocher, que des yeux pour se regarder. des pupilles qui s'ignorent d'habitude. des corps qui se détournent de l'autre d'habitude. pour mieux se retrouver. l'heure ? il l'avait perdu. oublié le décompte des secondes en passant la porte du gymnase. « je trouvais plus intéressant de me retrouver seul dans un gymnase avec toi. » pas de sourire en coin, pas de remarque blessante. il savait plus vraiment si c'était ironique ou pas. si il était entrain de lui mentir ou pas. les bras se croisent, les jambes se stabilisent. on rectifie les paroles, donne plus de sens. « j'ai entrainement demain. » vérité. il cligne des yeux, éviter de rester fixer sur ses lèvres, ses yeux. faire réagir le cerveau au lieu de plonger sur les envies. elle pourrait jouer la nana populaire dans une de ses séries. ou la garce. les airs d'un ange aux cornes. d'un démon aux ailes. intrépide. un geste de tête pour désigner le balon. « tu comptes dormir avec ou tu joues ? »

Tu roulais des yeux. Ses remarques qui étaient dignes d’un pseudo romantique. Philéas il savait s’y faire avec les filles. Il savait utiliser les bons mots pour les amadouer et leur faire croire l’impossible. Mais tu n’étais jamais tombée dans son piège. Tu te disais qu’il valait mieux ainsi, qu’il ne pouvait faire que du mal aux filles qui s’accrochaient à lui. « Tu veux jouer ? » que tu répondais, mine faussement surprise. Le ballon qui roulait sur tes doigts. Tu commençais à avancer, le ballon qui faisait des allers-retours au même rythme que les gouttes sur le terrain ouvert. Tu t’approchais de lui. Sûre de toi. « Tu ne veux pas jouer avec moi » tu continuais, les yeux plissés. S'il jouait, il se perdrait. Tu étais fatiguée du cours passé. Pour autant, tu voulais lui montrer que tu étais une grande joueuse. Tu voulais faire honneur aux heures passées sur le terrain dans ton quartier, avec les garçons, souvent plus âgés, souvent plus grands. Un panier. Facile. Tu reprenais le ballon. Ton corps qui s’installait à quelques mètres du sien. « Tu seras pas prêt pour demain » que tu le taquinais. Tu évoquais son entraînement de demain. Son manque d’agilité et de concentration. Tu connaissais les réactions corporelles d’Adlane. Tu connaissais son corps mieux que quiconque ici à cette Université. Sans même qu’une mouche ne le sache. Un regard qui faisait le tour du stade. Vérifier qu’il n’y avait personne. Ça pouvait aller vite avec lui. Ses yeux qui pouvaient se déplacer sur tes attributs et te provoquer des émotions qu’aucun autre n’arrivait à provoquer. Des décharges électriques. Sans invoquer le cœur. Le ballon qui s’éloignait du Sears, ta bouche qui s’approchait de son oreille. « Essaye de me battre » tu lui susurrais. Tu ne perdis pas de temps et ton corps était déjà entraîné dans une spirale sans fin. Un deuxième panier. Un tour, slalomant entre les lignes, entre le sportif, entre d’autres joueurs invisibles. Un troisième panier. Tu n’étais pas une petite fille. Tu n’avais pas peur d’un ballon qui pouvait abîmer tes ongles. Tu savais manier ce terrain comme personne. C’était de lui dont tu avais peur. Craquer une nouvelle fois. Tomber dans ses bras qui entouraient si bien ta taille. Une pensée qui s’évaporait vers ses anciens coups de bassin. Un ballon que tu perdais. Un ballon que tu cherchais à récupérer. Tu savais qu’il allait reprendre l’avantage. Mais tu n’allais pas le laisser faire, pas si facilement.